mercredi 1 août 2012

Spiritualized : sweet heart, sweet light

Vous allez me dire :
"la myrrhe, t'abuses. Parler d'un album sorti il y a plus de trois mois dont tous les journaux spécialisés, les blogs, s'accordent à dire que c'est probablement un des trois plus grands disques de cette année, tu te foutrais pas un peu de la gueule du monde ? Et surtout, tu vas faire quoi ?  ton snob et démontrer par A+B et avec des arguments à la con que cet album est une grosse daube bien puante ne méritant même pas une ligne dans la rubrique merde écrasée ? C'est ça hein ?"
Autre chose : au cas où, par le plus grand des hasards, tu te rangeais derrière l'avis unanime des critiques/blogueurs/etc..., qu'apportera ta note par rapport au concert de louanges dont a bénéficié ce disque ? hein ?? alors, tu vas répondre ??
Putainnnnnnnnnn, vous n'y allez pas avec le dos de la main morte vous hein !!!!
Pour commencer je dirai que moi et Jason Pierce, ça n'a jamais été vraiment le grand amour. J'apprécie dans les grandes lignes ce qu'il fait avec Spiritualized mais pas de quoi me faire relever la nuit pour l'écouter en boucle, pas spécialement de signes d'addiction, rien. Pourtant, j'ai commencé à sentir un frémissement de dépendance lors du songs in A&E de 2008. Pas trop non plus hein, mais il y avait quelque chose.
Vous me direz : "et ladies and gentlemen...il pue du cul ?" certes non, mais s'il contient de véritables morceaux de bravoure, je n'accroche pas à tout, j'irais même jusqu'à dire que je le trouve inconstant.
Propos que je ne tiendrai pas face à sweet heart, sweet light sorti en avril dernier. Bien au contraire. Il m'a fallu trois mois pour l'assimiler complètement mais là je dois avouer que je ne décroche pas.
Bon, la première écoute ne m'avait pas convaincu plus que ça, pour tout dire j'ai failli me taper une indigestion : une couche de chantilly, une grosse dose de miel, du sirop bien gluant, bien épais, au litre, pour peu que vous soyez diabétique des conduits auditifs, c'est un coup à se retrouver aux urgences en moins de temps qu'il n'en faut.
Mais bon, le temps faisant son office je me suis retrouvé à l'écouter de plus en plus souvent, à en capter l'essence pour finir par en être littéralement retourné. Maintenant chaque fois que je l'écoute, j'en ai les tripes broyées, les glandes lacrymales fonctionnent plein tube, je suis presque obligé de m'auto-perfuser pour ne pas finir complètement déshydraté.
La raison de ce retournement de situation ? Peut-être parce que sweet heart, sweet light est tout simplement brillant. Pour d'innombrables raisons. Musicalement d'une richesse incroyable, Pierce parvient à couvrir un siècle de musique sur une heure sans être rébarbatif. Sweet heart, sweet light (dont la référence au Velvet Underground ne vous aura pas échappé) est en premier lieu un hommage, gargantuesque, à la musique américaine sous toute ses formes.Des origines (le gospel) jusqu'à maintenant (le rock), l'appétit de Pierce semble être insatiable. Tout particulièrement lorsqu'il aborde le psychédélisme. Là, force est de reconnaître qu'il connaît son sujet sur le bout de la cuillère. Que ce soit le néo-psychédélisme façon Mercury Rev (huh ? intro, ou life is a problem, tout droit sortis du deserter's song), la pop sous acides des Beach Boys ( hey jane ne serait-il pas son good vibrations personnel ?), la world ( get what you deserve et ses cordes orientales), la musique concrète   (headin' for the top now comme du Steve Reich qui forniquerait avec Kevin Shields sous le haut patronage de Glenn Branca), le free-jazz (I am what I am) ou encore vu au travers des yeux de Gainsbourg (little girl, véritable concentré de melody nelson sur trois minutes), sweet heart sweet light ressemble à une putain de réinterprétation des saintes écritures du psychédélisme par un Pierce en forme olympique. Le gars se permet en plus de manier les saveurs comme personne : le doux, le sucré, le salé, l'acide, l'aigre et ce au travers d'arrangements d'une rare pertinence ( exemple remarquable avec too late : ce pourrait être une guimauve sans intérêt à la walt disney des trente dernières années cependant  l'intelligence des arrangements, des cuivres,des claviers jusqu'aux cordes en fait une merveille d'émotion). En limitant l'instrumentation de son album à l'organique ( pas d'utilisation d'électronique ou d'ordinateur ici mon bon môssieur, que du fait-main, de la musique cousue aux petits oignons, faite avec amour et même que si tu écoutes bien tu trouveras une scie musicale)  Pierce se sort les doigts du cul et pond un album à l'ancienne comme on n'en avait pas entendu depuis des années. Le regard dans le rétro certes, nostalgique probablement  mais d'une dignité forçant le respect.
 Dignité est aussi le mot qui me vient quant au fond de l'album. Si la forme est magnifique, le fond, en revanche, est d'une beauté absolument renversante. Rarement il m'a été donné d'approcher de si près l'affect d'un chanteur. Sweet heart sweet light est une véritable mise à nue de l'âme de Pierce. Hommage à sa mère disparue, aux excès qui l'ont renforcé en le tuant à petit feu, sweet heart est un disque de rémission, de capitulation face à la mort, un disque de vie éclatant, une catharsis d'une putain de dignité. Pierce est revenu de tout, l'explique de façon émouvante, absurde (life is a problem), l'égo  toujours aussi surdimensionné ( I am what I am) mais avec un recul bienvenu. Son so long you pretty baby final sonne comme une réponse au rock'n roll saved my life de Lou Reed (d'ailleurs le morceau ressemble étrangement au sad song du berlin soit dit en passant) et une véritable déclaration d'amour à la musique.
Quand je prends en compte tous ces éléments, paroles et musiques comme auraient dit Lambert et Anconina, je me dis queSweet heart sweet light ressemble au disque d'une vie, le genre que Pierce  ne pourra faire qu'une fois. Un disque somme car sans barrières, réfléchi et totalement inconscient, un hommage vrai au psychédélisme. D'ailleurs quand l'écoute de sweet heart... se termine, la pochette du disque finit par prendre tout son sens : uh ? est la réaction estomaquée qu'on a quand résonnent les dernières notes de so long you pretty baby, c'est l'uppercut qu'on vient de prendre au bout d'une heure d'écoute.
Dans le sens grec du terme, psychédélisme signifie le révélateur de l'âme. Sweet heart sweet ligt n'est ni plus ni moins que ça : la plongée dans l'âme de Jason Pierce. Une bien belle âme ma foi.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire