mardi 10 juillet 2012

Screaming Corpses : a different taste of consciousness

Vous le savez toutes et tous : ce crucial blog, the beauty of sadness, tient son fabuleux nom du merveilleux album de Maeror Tri, ancêtre des non moins indispensables Troum. Mais Troum n'a pas toujours été Troum. Le trio, en 1987, était en fait un quatuor ( ou un quintor, allez savoir) et se nommait Screaming Corpses. Comme le nom peut le laisser supposer, ils n'officiaient pas encore dans l'ambient ou le drone mais dans un post-punk expérimental complètement barré. Vous le savez : quand on est musicien, sans technique, le principal n'est pas d'apprendre à maîtriser ses instruments mais plutôt le flux énorme d'idées qui peut sortir de quatre cerveaux en ébullition. Sur a different state of consciousness, premier et seul album de Screaming Corpses, c'est exactement ce face à quoi on se retrouve. Quatre gars qui ne savent pas encore dans quelle direction ils souhaitent faire aller leur musique mais en ont tout de même une petite idée : du moment que ce n'est pas accessible, n'importe quoi fera amplement l'affaire. En l'occurrence un zeste de drone, beaucoup de noise, quelques cris, pas mal de guitares désaccordées et sursaturées, un batteur ne sachant battre véritablement que les oeufs et vous obtenez un album franchement hardcore, âpre, d'une rugosité ne présageant en rien la beauté des enregistrements futurs. Loin de l'ambient mais très proche dans l'esprit du land speed record d'Hüsker Dü, voir du it's spooky de Fair & Johnston.
Il est curieux de voir l'évolution d'un groupe à l'aune de leurs premiers enregistrements : écouter Screaming Corpses, c'est écouter les balbutiements hardcores d'un groupe encore trop imprégné par le rock. C'est écouter les balbutiements d'un groupe qui, au fil des albums, abandonnera complétement l'usage semi-traditionnel du couplet/refrain/pont/viaduc/dynamite/arts plastiques pour s'aventurer  dans des contrées que peu exploreront avec autant de brio. La seule constante que gardera le groupe sous ses autres patronymes est ce goût pour l'aventure qui le caractérise déjà dans cette cassette.
 La musique de Screaming Corpses se démarque par un jusqu'au boutisme en matière de rock qui les rapproche d'un Einstürzende Neubaten, alternant morceaux rock expérimentaux  avec de courts interludes limite ambient. Cependant, l'intelligence de Screaming Corpses sera de reconnaître que le rock n'est absolument pas fait pour lui, bien trop restrictif pour ses ambitions. Ils ont tenté l'aventure sur 22 morceaux, comportant de véritables fulgurances, quelques ratages mais un ensemble malgré tout homogène et assez réussi. Le clou de l'album étant les douze minutes du malsain boundary to insanity  (à l'origine le morceau devait en faire trente), mélange d'ambient à la Maeror Tri, de mur du son pré-My Bloody Valentine, d'expérimentations sauvages  et de beuglements indistincts à la Mark E Smith  faisant du morceau une expérience assez paroxystique.
Et là je ne parle là que de a different state of consciousness, première cassette de Screaming Corpses. Une seconde est parue la même année, over my dead body !!! sur laquelle je n'ai malheureusement pu jeter une oreille car absolument introuvable sur le net.
En 1988, le tour du rock étant fait, le groupe va pouvoir se développer en virant deux membres, la batterie, changeant de nom et s'introduire à l'experimental pur via l'exploration des sons liés à l'usage maltraitant des guitares et à l'ambient dans le même contexte. En revanche, contrairement au rock, la publication de plus de quarante albums ne sera pas suffisant pour en faire vraiment le tour. Toujours est-il que a different state of consciousness reste à ce jour une curiosité bien plus intéressante que nombre de disques dits expérimentaux sortis ces derniers temps, la vision tronquée et barrée d'un groupe d'ambient voulant pratiquer le rock. Pas un chef-d'oeuvre mais une expérience très intéressante.

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