mercredi 5 janvier 2011

no limits to my love

Petit préambule :
La trajectoire actuelle d'Antony & The Johnsons a de plus en plus tendance à m'emmerder. Swanslight n'a aucun intérêt, tout n'y est qu'ennui et déjà-vu.
Le dubstep a tendance aussi à m'emmerder grave. Quand il s'aventure vers d'autres horizons, comme la pop avec Darkstar, il est passionnant. Mais le genre en lui-même  présente autant d'intérêt (à part les réussites que sont Kode 9 ou King Midas Sound ) que, au hasard, la drum'n'bass dans les années 90.
Fin du préambule.

Vous connaissez James Blake ?

La prochaine hype, le gros truc qui va tout rafler dans les mois à venir avec un album dubstep soit disant énorme. Déjà il suffit de voir le top 2010 de pitchfork pour se rendre compte que le gars avec deux EPs finit par rentrer dans un top album d'un webzine paraît-il très influent. D'entrée de jeu, ça pue, ça sent fortement le copinage, la promo canapé. Bon peut-être qu'il a du talent, c'est peut-être mérité mais permettez moi d'émettre quelques réserves à son sujet.
Donc c'est armé de ces quelques préjugés mais aussi suite à l'insistance d'un @mi que j'ai entamé l'écoute de James Blake, l'album.
Après écoute, j'ai appuyé de nouveau sur play, intrigué par ce qui venait de m'arriver. Puis je suis parti illico à la recherche des EPs.
Disons que je ne m'attendais à rien. A une hype-kleenex de plus tout juste bonne à jeter après consommation. Quelle ne fut point ma surprise aux premières notes d'unluck. Un piano, un beat rachitique, une certaine science du silence puis une voix. Eraillée, profonde, blanche, gorgée de soul cependant.Trafiquée au vocoder sur le refrain mais on s'en fout, l'effet de surprise est là, bien présent. Intrigant. Wilhelms scream continue dans la même voie, celle du minimalisme soul avec quelques effets parsemés tout au long du morceau du meilleur effet, une montée en puissance dubstep vers le milieu du morceau jusqu'à ce que la tension retombe à quelques secondes de la fin.
I never learnt to share commence quant à lui a cappella, sur une phrase répétée ad libitum, tordue par les effets pendant près de deux minutes jusqu'à ce qu'un beat vienne prendre le relais, que la structure du morceau se dévoile enfin et le fasse complétement décoller . Sur Lindesfarne I, Blake ose tout un morceau seul avec sa voix, sans aucun autre instrument que l'ordinateur  la trafiquant de façon presque inhumaine, robotique. Le résultat paradoxalement est saisissant d'humanité.Vient plus loin le tube, la reprise qui scie les pattes, limit to your love, démontrant  qu'une machine, un piano, une voix  et un talent énorme de réappropriation peuvent accoucher d'un des meilleurs morceaux soul de l'année à venir.
Ce qui interloque dans ce disque c'est l'économie de moyens. Le mec a à sa disposition une voix à faire pâlir de jalousie Antony (on y vient enfin), il aurait très bien pu l'utiliser de façon criarde, sur des arrangements dégoulinant de mièvrerie pour bien souligner le fait que : "ouais mec, je suis malheureux, je suis un gars sensible, écoute comme je manie bien les cordes, et mon piano, tu l'entends ? il pleure toutes les larmes de mon putain de corps !!! tu vois comme je suis malheureux ?????".
Il aurait pu.Mais James Blake ne s'appelle pas Antony & The Johnsons.
Nonnn ??? tu déconnes là ?? Si si , je vous jure.
Il a aussi à sa botte tout un arsenal électronique : ordinateur, logiciels, enfin plein de trucs à bidouiller dans son coin. De quoi faire un album de dubstep qui dépotte, un truc fait pour le dancefloor, pour suer sang et eau. Mais non, le gars, ça l'intéresse pas. Il s'en tamponne royalement le coquillard. James Blake préfère faire de la soul. Et pour ça il a trouvé un truc tout con : user et abuser du silence, épurer sa musique au maximum, utiliser le moins d'effet possible, aller à l'essence même de la soul. On n'est pas chez Kings Go Forth ici, pas de revival soul torride (constatation, pas critique : j'adore the outsiders are back), ici l'approche est cérébrale, d'apparence froide car uniquement électronique. Le miracle est que l'album sonne très organique, chaud malgré la froideur clinique de l'ensemble. Son premier album me rappelle énormément la claque que je m'étais prise en écoutant le voodoo de D'angelo. La démarche est à peu de choses près similaire : épurer au maximum, virer le superflu, aller à l'essentiel. Une voix, un feeling, un habillage musical minimal mais une cohésion, un talent rare qui crève les tympans, un background musical étendu (soul, dubstep, électro, jazz, pop) et au final un grand album.
C'est clair que dans  les mois à venir, on devrait bouffer du James Blake à toutes les sauces. Clair aussi qu'on va se retrouver face à un phénomène dubstep de la même ampleur que Burial. Clair enfin que la hype à venir sera pour une fois méritée. Mais je m'en fous. Le James Blake et sa gueule d'ange est l'album qui tourne le plus sur ma platine en ce moment, un véritable coup de coeur pas évident au départ tant son univers me semblait inaccessible.


2 commentaires:

  1. C'est vrai qu'il est beau ce disque putain, LA grosse trempe du moment pour moi aussi 2-3 écoutes par jour minimum......n'y trouves tu point mon cher ami une certaine ressemblance avec l'album de M.Hollis ?

    Sinon toi t'es toujours au top !

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  2. je ne l'ai pas noté mais oui,tout à fait, j'y vois une version soul de l'album éponyme de Mark Hollis.Même maîtrise des silences, même but : faire naître l'émotion avec très peu. L'application musicale de less is more en gros.

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